Un ancien métier ouvre des opportunités pour la jeune génération albanaise

 

Par Daniela Zampini
Il y a un an, par une journée d'hiver glacial dans l'extrême nord-est de l'Albanie, Hate Ora, âgée de 58 ans, entend dans une émission sur la télévision locale une nouvelle qui va changer sa vie : les pouvoirs publics annoncent le lancement d’un « Pacte territorial d'emploi pour les jeunes » visant à fournir du travail aux jeunes de Kukes, l'une des régions les plus isolées et plus marginalisées du pays.

Ora, une tisseuse de tapis traditionnels albanais, quitte alors sa chaise en disant à sa famille qu'elle compte aller vérifier d’elle-même en quoi consiste cette initiative. « Je ne suis peut-être plus toute jeune, dit-elle en souriant, mais je sais à quel point il est important d'avoir un travail. Ce n'est pas facile pour une femme de Kukes, jeune ou âgée, de trouver un emploi. Et même lorsqu’il y a des possibilités d’emplois, les familles traditionnelles n’aiment pas l’idée que les femmes aillent travailler en dehors du foyer ».

Pendant plus de 20 ans, Ora a travaillé dans une usine d'État qui produisait des produits d'artisanat traditionnel albanais pour l'exportation. Avec la chute du régime communiste au début des années 1990, et la transition vers une économie de marché, elle s’est retrouvée sans emploi, comme 1000 autres femmes des communautés avoisinantes. Ora a tant bien que mal continué de travailler à partir de chez elle.

« Cela a été très difficile, se rappelle-t-elle la larme à l'œil. Pendant de nombreuses années, nous vivions à quatre dans une chambre de 25 m², dans laquelle je n’avais qu’un coin pour installer mes outils de travail. Nous faisions la cuisine et dormions dans cette même chambre… Et lorsque je recevais une commande pour des tapis, je travaillais de très longues heures. C'était le seul moyen pour ma famille et moi-même de survivre».

Aujourd'hui, grâce à sa détermination et à l'appui du Fonds-OMD au Pacte territorial pour l'emploi des jeunes (Y-TEP), la vie de Ora s'est transformée. Elle est passée du statut de travailleur informel à celui de femme chef d'entreprise accomplie. Dans son atelier récemment remis à neuf, elle offre à des jeunes femmes de sa communauté une formation sur le tas et des opportunités d'emploi, en alliant sa longue expérience aux énergies nouvelles dans le domaine du tissage de produits textiles d'artisanat albanais, en particulier les tapis colorés.

Ora est une des bénéficiaires du Programme conjoint des Nations Unies et du Fonds-OMD, le fruit d'une collaboration entre quatre agences des Nations unies et le gouvernement albanais. Ce programme vise à créer des opportunités d'emplois décents pour les jeunes marginalisés et à aider le pays à gérer la migration des jeunes à la recherche d'un emploi.

L'Albanie a l'un des taux de chômage des jeunes les plus élevés au monde avec plus d'un tiers des jeunes albanais sans emploi. Dans la région de Kukes, presque 40% des jeunes et plus que la moitié des jeunes femmes n'ont pas d'emplois. L'absence d'opportunités d'emplois décents se traduit dans le pays par un des taux d'émigration les plus élevés au monde. En effet, les jeunes quittent leur région à la recherche d’un avenir meilleur ailleurs dans le pays ou à l'étranger. Les jeunes, en particulier dans les zones rurales, qui restent, sont obligés d’accepter n'importe quel emploi, notamment des sous-emplois ou des emplois dans le secteur informel.

Dans le cas de l'initiative Y-TEP, le Programme conjoint a consulté les membres de la communauté pour évaluer les opportunités de création de revenus. Des études de faisabilité ont été effectuées pour les activités économiques qui avaient été identifiées, y compris une analyse des besoins précis de formation telle que les formations visant à l'acquisition de compétences techniques ou entrepreneuriales, ou encore en matière de gestion de petites entreprises.

« J'ai fait valoir mes idées sur la façon dont l'artisanat traditionnel pouvait être une source d'emploi pour les femmes de la communauté. Je voudrais transmettre mon savoir-faire et former d'autres jeunes à ce métier », explique Ora qui a participé aux dialogues communautaires.

L'association des artisans albanais a aidé Ora à organiser ses idées sous la forme d'un plan d'affaires dans le cadre du programme Y-TEP, un engagement signé par plus de 40 acteurs locaux et nationaux vers un ensemble commun d'interventions. Elle a reçu une formation de base à l’entrepreneuriat et des services conseils en matière d'entreprise, en plus d’une petite ligne de crédit.

Ora a commencé à participer à des foires pour artisans et à produire du matériel publicitaire et des brochures à distribuer à des clients. « Les autres membres de l'association des artisans albanais, des petits artisans comme moi, m’ont montré comment je pouvais diversifier mes produits. C'est ce que j'ai fait et j’ai aujourd’hui trouvé de nouveaux clients ».

Grâce à son plan d'affaires, elle est parvenue à persuader une banque locale de financer la construction d'un véritable atelier au centre de la ville. « J'ai aujourd’hui déménagé dans ce nouvel atelier. Mon fils travaille à mes côtés à plein temps, il s'occupe de la planification financière, de trouver de nouveaux clients et m'aide aussi à bien d'autres choses ». Ora a déclaré sa petite entreprise et cotise à nouveau pour sa pension.

Elle est également devenue un employeur en tirant profit des contrats de formation d'emploi disponibles à travers le programme Y-TEP. Cela lui a permis d'amener trois jeunes femmes à son atelier et de les former sur le tas. Récemment, Ora a été contactée par une entreprise française intéressée dans la production de vêtements artisanaux. Elle a réuni d'autres femmes de Kukes pour produire des échantillons qui, si acceptés, pourront créer de nouvelles opportunités d'emploi pour les jeunes femmes de Kukes.

Dans le cadre des engagements au titre du programme Y-TEP, la municipalité de Kukes a même consacré à Ora un espace dans la section Artisanat du tout nouveau musée de la ville, où elle peut exposer ses produits. Toutes ces réussites, Ora les attribue au programme Y-TEP et à l'appui du Fonds-OMD qui ont pour elle été un grand tournant dans sa vie. « Est-ce parce que je me suis battue pendant toute ma vie ? Mais j’ai appris une chose, lorsqu'on vous offre une opportunité, il faut la saisir. C’est bien ce que l’on appelle « faire preuve d'esprit d'entreprise » ?

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Le Programme conjoint des Nations Unies « Albanie : migration des jeunes : Migration des jeunes : Récolter les fruits et atténuer les risques » est financé par le Fonds pour la réalisation des OMD et cible les jeunes travailleurs sous-employés ou engagés au noir dans le secteur de l’agriculture de subsistance dans les régions de Shkodra et Kukes. Ce programme qui résulte d’une collaboration entre le gouvernement albanais, les autorités locales et quatre agences des Nations Unies (l’OIT, l’OIM, le PNUD / l’UNV (Volontaires des Nations Unies) et l’UNICEF) a déjà créé ou officialisé des emplois pour 942 jeunes.

L'approche du programme est de i) renforcer les capacités des organismes chargés de la gestion du marché de l’emploi, grâce à un plan d’action cohérent en faveur de l’emploi des jeunes ; ii) élaborer des stratégies susceptibles de réduire les risques associés à la migration des jeunes dans les zones rurales ; iii) augmenter l’impact positif de la migration par le biais d'une meilleure allocation des ressources en faveur de l’emploi des jeunes. Le Programme appuie également le retour dans leur pays des jeunes travailleurs albanais et la mobilisation des ressources par l’établissement de partenariats publics-privé favorables à l'emploi des jeunes.

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